En dehors de vos années en tant que directeur général adjoint de Gustave Roussy, la majorité de votre carrière s’est exercée dans le champ sanitaire et public. Pourquoi avoir accepté de prendre la tête de la FEHAP ?
Charles Guépratte : Ce qui m’a intéressé en premier lieu est le modèle FEHAP en lui-même. C’est-à-dire, une organisation en charge de nombreuses missions de service public mais disposant d'un ADN privé synonyme d’agilité. L’autre principal attrait de cette fédération réside dans son positionnement, à la croisée de nombreux champs : le sanitaire, que je connais effectivement très bien, le médico-social, et le social. À une époque où l’on parle beaucoup de la nécessité de créer des liens entre ces différents univers, la FEHAP me semble donc le bon endroit où être.
Concernant le médico-social et plus précisément le grand âge qui nous intéresse ici, à quels enjeux votre fédération entend-elle répondre dans les années à venir ?
Il y en a plusieurs et avec des temporalités différentes. Ce que l’on peut relever, ce sont d’abord des sujets de très court terme, notamment l’inflation, encore insuffisamment prise en compte au moment où l’on se parle, et la question du financement, ou plutôt du sous-financement, de certaines mesures catégorielles. Ces éléments font que les réserves financières des établissements s’épuisent et qu’un certain nombre d’EHPAD commencent à rencontrer des tensions de trésorerie assez importantes.
Plus globalement, cela pose une nouvelle fois la question des financements par les départements…
Effectivement, lorsque je regarde la carte de France des départements qui paient les engagements qui ont été pris et ceux qui ne le font pas, on ne peut que constater une absence d’homogénéité de traitement. Et il en va de même concernant les taux de reconduction, avec des départements prêts à payer 11 % de plus, tandis que d’autres seront à 0. Concrètement, pour un EHPAD de 80 places, cela représente 80 000 € de moins, c’est-à-dire deux postes d’aide-soignant. Ce constat m’amène forcément à dire que le modèle est à parfaire. Si nous ne pouvons que nous féliciter de la gestion à l’échelle locale d’un certain nombre de politiques publiques, nous sommes néanmoins demandeurs d’un cadrage national permettant d’assurer une plus grande équité, mais aussi de contrats d’objectifs et de moyens clairs et opposables dans les deux sens. Je ne désespère pas que nous puissions faire mieux avec nos interlocuteurs. Les ministres aux affaires sont parfaitement conscients de ces difficultés et depuis notre publication dans Les Échos , les choses ont commencé à bouger. Mais il faut aller plus loin, et la FEHAP continuera d’œuvrer en ce sens.
Qu’en est-il du plus long terme ?
Au-delà des éléments que nous venons d’évoquer, nous sommes persuadés que c’est le modèle économique, et même organisationnel, des EHPAD qui est à revoir, pour tenir compte de l’évolution des aspirations des résidents et de leurs familles. Nous le voyons bien, l’EHPAD est en train de s’ouvrir vers des modèles de plus en plus hybrides et il est nécessaire d’adapter l’offre tarifaire en conséquence.
Comment ? Au travers d’une logique populationnelle telle que la défendait Antoine Perrin, votre prédécesseur ?
Nous sommes encore en train de travailler sur le sujet, mais oui, l’approche populationnelle est évidemment la bonne. Il faut changer de paradigme pour adopter une forme de bundle payement, une approche forfaitaire permettant de financer un objectif, à savoir le maintien en autonomie d’une personne ou d’une population donnée, plutôt qu’un opérateur. À partir de ce forfait, charge aux différents acteurs du territoire de s’organiser pour apporter la meilleure réponse possible à un besoin. La FEHAP a une chance inouïe sur ce point-là, puisqu’elle est présente dans tous les secteurs de la prise en charge. Les enjeux sur le long terme sont donc ceux de l’organisation de cette réponse territoriale, du décloisonnement et de la coordination. Les Dispositifs d’Appui à la Coordination, les DAC, sont d'ailleurs en train de monter en puissance et ils vont devenir absolument essentiels à l’avenir. Concernant les modèles économiques, nous attendons l’issue des travaux du Conseil National de la Refondation (CNR), auxquels nous incitons le maximum de nos adhérents à participer.
Avez-vous d’autres préoccupations à plus ou moins long terme ?
Je dirais que l’enjeu des mois à venir est également celui de l’attractivité : de notre secteur privé solidaire au regard des autres d’une part, et notamment du secteur public désormais beaucoup plus attractif qu’avant, mais aussi de l'attractivité tout court, qui passera certainement elle aussi par le décloisonnement. C’est notamment le sens des travaux que nous menons sur la CCUE (Convention Collective Unique Étendue), qui est avant tout un outil de transversalité nous permettant de créer des mobilités entre nos différents univers : sanitaire, médico-social et social.
Vous évoquiez le CNR. Qu’en attendez-vous ?
Il y a beaucoup de mécontents, mais il y a aussi beaucoup d’espoirs qui se créent autour de ce CNR. D’une part parce que la parole y est très libre, mais aussi parce que les ARS ont été mises en ordre de marche pour accompagner les travaux de manière rapprochée. Si nous devions avoir une crainte, elle concernerait plutôt ce qu’il en ressortira concrètement et les moyens alloués. Il faudrait en effet éviter le décalage entre une vision idéalisée et la réalité de terrain.
Un mot pour conclure ?
Parmi nos fils rouges des prochaines années, je citerai l’accès à l’innovation et le renforcement de la RSE. Nous œuvrerons également à devenir une fédération plus digitale, pour un meilleur accompagnement de nos adhérents. Enfin, je n’oublierai pas la question de la qualité, qui nous préoccupe particulièrement dans un secteur qui a peu d’antériorités sur le sujet. Nous souhaitons ainsi renforcer et accompagner la mise en place d’une culture qualité et de politiques de certification, comme cela a pu être fait dans le champ sanitaire il y a une quinzaine d’années. Il s’agit là encore d’un véritable enjeu d’attractivité, permettant d’accroître ou de restaurer la confiance, tout en mettant en valeur le travail des personnels.
Article publié dans le numéro de janvier d'Ehpadia à consulter ici
Charles Guépratte : Ce qui m’a intéressé en premier lieu est le modèle FEHAP en lui-même. C’est-à-dire, une organisation en charge de nombreuses missions de service public mais disposant d'un ADN privé synonyme d’agilité. L’autre principal attrait de cette fédération réside dans son positionnement, à la croisée de nombreux champs : le sanitaire, que je connais effectivement très bien, le médico-social, et le social. À une époque où l’on parle beaucoup de la nécessité de créer des liens entre ces différents univers, la FEHAP me semble donc le bon endroit où être.
Concernant le médico-social et plus précisément le grand âge qui nous intéresse ici, à quels enjeux votre fédération entend-elle répondre dans les années à venir ?
Il y en a plusieurs et avec des temporalités différentes. Ce que l’on peut relever, ce sont d’abord des sujets de très court terme, notamment l’inflation, encore insuffisamment prise en compte au moment où l’on se parle, et la question du financement, ou plutôt du sous-financement, de certaines mesures catégorielles. Ces éléments font que les réserves financières des établissements s’épuisent et qu’un certain nombre d’EHPAD commencent à rencontrer des tensions de trésorerie assez importantes.
Plus globalement, cela pose une nouvelle fois la question des financements par les départements…
Effectivement, lorsque je regarde la carte de France des départements qui paient les engagements qui ont été pris et ceux qui ne le font pas, on ne peut que constater une absence d’homogénéité de traitement. Et il en va de même concernant les taux de reconduction, avec des départements prêts à payer 11 % de plus, tandis que d’autres seront à 0. Concrètement, pour un EHPAD de 80 places, cela représente 80 000 € de moins, c’est-à-dire deux postes d’aide-soignant. Ce constat m’amène forcément à dire que le modèle est à parfaire. Si nous ne pouvons que nous féliciter de la gestion à l’échelle locale d’un certain nombre de politiques publiques, nous sommes néanmoins demandeurs d’un cadrage national permettant d’assurer une plus grande équité, mais aussi de contrats d’objectifs et de moyens clairs et opposables dans les deux sens. Je ne désespère pas que nous puissions faire mieux avec nos interlocuteurs. Les ministres aux affaires sont parfaitement conscients de ces difficultés et depuis notre publication dans Les Échos , les choses ont commencé à bouger. Mais il faut aller plus loin, et la FEHAP continuera d’œuvrer en ce sens.
Qu’en est-il du plus long terme ?
Au-delà des éléments que nous venons d’évoquer, nous sommes persuadés que c’est le modèle économique, et même organisationnel, des EHPAD qui est à revoir, pour tenir compte de l’évolution des aspirations des résidents et de leurs familles. Nous le voyons bien, l’EHPAD est en train de s’ouvrir vers des modèles de plus en plus hybrides et il est nécessaire d’adapter l’offre tarifaire en conséquence.
Comment ? Au travers d’une logique populationnelle telle que la défendait Antoine Perrin, votre prédécesseur ?
Nous sommes encore en train de travailler sur le sujet, mais oui, l’approche populationnelle est évidemment la bonne. Il faut changer de paradigme pour adopter une forme de bundle payement, une approche forfaitaire permettant de financer un objectif, à savoir le maintien en autonomie d’une personne ou d’une population donnée, plutôt qu’un opérateur. À partir de ce forfait, charge aux différents acteurs du territoire de s’organiser pour apporter la meilleure réponse possible à un besoin. La FEHAP a une chance inouïe sur ce point-là, puisqu’elle est présente dans tous les secteurs de la prise en charge. Les enjeux sur le long terme sont donc ceux de l’organisation de cette réponse territoriale, du décloisonnement et de la coordination. Les Dispositifs d’Appui à la Coordination, les DAC, sont d'ailleurs en train de monter en puissance et ils vont devenir absolument essentiels à l’avenir. Concernant les modèles économiques, nous attendons l’issue des travaux du Conseil National de la Refondation (CNR), auxquels nous incitons le maximum de nos adhérents à participer.
Avez-vous d’autres préoccupations à plus ou moins long terme ?
Je dirais que l’enjeu des mois à venir est également celui de l’attractivité : de notre secteur privé solidaire au regard des autres d’une part, et notamment du secteur public désormais beaucoup plus attractif qu’avant, mais aussi de l'attractivité tout court, qui passera certainement elle aussi par le décloisonnement. C’est notamment le sens des travaux que nous menons sur la CCUE (Convention Collective Unique Étendue), qui est avant tout un outil de transversalité nous permettant de créer des mobilités entre nos différents univers : sanitaire, médico-social et social.
Vous évoquiez le CNR. Qu’en attendez-vous ?
Il y a beaucoup de mécontents, mais il y a aussi beaucoup d’espoirs qui se créent autour de ce CNR. D’une part parce que la parole y est très libre, mais aussi parce que les ARS ont été mises en ordre de marche pour accompagner les travaux de manière rapprochée. Si nous devions avoir une crainte, elle concernerait plutôt ce qu’il en ressortira concrètement et les moyens alloués. Il faudrait en effet éviter le décalage entre une vision idéalisée et la réalité de terrain.
Un mot pour conclure ?
Parmi nos fils rouges des prochaines années, je citerai l’accès à l’innovation et le renforcement de la RSE. Nous œuvrerons également à devenir une fédération plus digitale, pour un meilleur accompagnement de nos adhérents. Enfin, je n’oublierai pas la question de la qualité, qui nous préoccupe particulièrement dans un secteur qui a peu d’antériorités sur le sujet. Nous souhaitons ainsi renforcer et accompagner la mise en place d’une culture qualité et de politiques de certification, comme cela a pu être fait dans le champ sanitaire il y a une quinzaine d’années. Il s’agit là encore d’un véritable enjeu d’attractivité, permettant d’accroître ou de restaurer la confiance, tout en mettant en valeur le travail des personnels.
Article publié dans le numéro de janvier d'Ehpadia à consulter ici